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Les philosophes en herbe

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Philosophie fondamentale, à l'usage de ceux qui suivent mes cours.


Saint Thomas d'Aquin : Les valeurs humaines sont fondées sur la nature humaine

Publié par Pascal Jacob sur 19 Janvier 2024, 13:31pm

Catégories : #Terminales

Saint Thomas d'Aquin : Les valeurs humaines sont fondées sur la nature humaine

Saint Thomas d’Aquin : A moins que les « valeurs » ne soient inscrites dans la nature des choses crées par Dieu

Existe-t-il une loi naturelle ?

Objections :

1. Il semble qu'il n'y ait pas en nous de loi naturelle. Car l'homme est suffisamment gouverné par la loi éternelle. S. Augustin écrit en effet : "La loi éternelle est celle par laquelle il est juste que toutes choses soient parfaitement ordonnées." Mais la nature ne multiplie pas les êtres superflus, pas plus qu'elle n'est insuffisante en ce qui est nécessaire. Il n'y a donc pas de loi naturelle pour l'homme.

2. C'est par la loi que l'homme est ordonné à sa fin par ses actions. Mais l'ordination des actes humains à leur fin ne vient pas de la nature, comme c'est le cas des créatures sans raison qui n'agissent pour une fin qu'en raison d'un instinct naturel ; l'homme agit pour une fin par raison et volonté. Donc il n'y a pas pour l'homme de loi naturelle.

3. Plus on est libre, moins on est soumis à une loi. Or l'homme est le plus libre de tous les vivants, en raison du libre arbitre qu'il possède par privilège sur tous les autres animaux. Donc, si les autres animaux ne sont pas soumis à une loi naturelle, l'homme ne doit pas l'être.

Cependant :

Nous lisons dans l'épître aux Romains (2, 14) : "Les païens qui n'ont pas de loi, accomplissent par nature ce qui est l'objet de la loi." Et la Glose précise : "S'ils n'ont pas de loi écrite, ils ont cependant la loi naturelle selon laquelle chacun prend conscience de ce qui est bien et de ce qui est mal."

Conclusion :

On a dit tout à l'heure que la loi, étant une règle et une mesure, peut se trouver en quelqu'un d'une double manière : tout d'abord comme en celui qui établit la règle et la mesure ; et en second lieu comme en celui qui est soumis à celle-ci, puisque ce dernier est réglé et mesuré pour autant qu'il participe en quelque manière de la règle et de la mesure. Par conséquent, comme tous les êtres qui sont soumis à la providence divine sont réglés et mesurés par la loi éternelle (selon les explications données), il est évident que ces êtres participent en quelque façon de la loi éternelle par le fait qu'en recevant l'impression de cette loi en eux-mêmes, ils possèdent des inclinations qui les poussent aux actes et aux fins qui leur sont propres.

Or, parmi tous les êtres, la créature raisonnable est soumise à la providence divine d'une manière plus excellente par le fait qu'elle participe elle-même de cette providence en pourvoyant à soi-même et aux autres. En cette créature, il y a donc une participation de la raison éternelle selon laquelle elle possède une inclination naturelle au mode d'agir et à la fin qui sont requis. C'est une telle participation de la loi éternelle qui, dans la créature raisonnable, est appelée loi naturelle. Aussi, quand le Psaume (4, 6) disait : "Offrez un sacrifice de justice", il ajoutait, comme pour ceux qui demandaient quelles sont ces oeuvres de justice : "Beaucoup disent : qui nous montrera le bien ?" et il leur donnait cette réponse : "Seigneur, nous avons la lumière de ta face imprimée en nous", c'est-à-dire que la lumière de notre raison naturelle, nous faisant discerner ce qui est bien et ce qui est mal, n'est rien d'autre qu'une impression en nous de la lumière divine. Il est donc évident que la loi naturelle n'est pas autre chose qu'une participation de la loi éternelle dans la créature raisonnable.

Solutions :

1. L'argument porterait si la loi naturelle était quelque chose de différent de la loi éternelle ; mais elle n'en est qu'une sorte de participation, nous venons de le dire.

2. Toute opération de raison et de volonté dérive en nous de ce qui est conforme à notre nature, on l'a déjà dit, car tout raisonnement se fonde sur des principes connus naturellement, et tout vouloir portant sur les moyens qui concourent à une fin dérive de l'attrait naturel pour la fin ultime. Ainsi faut-il aussi que l'orientation première de nos actes vers leur fin soit assurée par la loi naturelle.

3. Les animaux sans raison participent eux-mêmes, comme la nature raisonnable, de la pensée éternelle, mais à leur façon. Et parce que la créature raisonnable possède cette participation sous un mode intelligent et rationnel, il s'ensuit que la participation de la loi éternelle en la créature raisonnable mérite proprement le nom de loi ; car la loi relève de la raison, comme il a été dit précédemment. Dans la créature privée de raison, la participation n'existe pas sous un mode rationnel ; aussi ne peut-elle être appelée loi que par analogie.[1]

 

[1] Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique (1260)

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