Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les philosophes en herbe

Les philosophes en herbe

Philosophie fondamentale, à l'usage de ceux qui suivent mes cours.


Simone de Beauvoir

Publié par Pascal Jacob sur 21 Octobre 2021, 21:33pm

Catégories : #Terminales

Simone de Beauvoir

S. de Beauvoir : « On ne naît pas femme : on le devient. Aucun destin biologique, psychique, économique ne définit la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine ; c'est l'ensemble de la civilisation qui élabore ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat qu'on qualifie de féminin.”

 

  1. Dans cet argument de Simone de Beauvoir, quelle est la définition que l’auteur donne au mot “femme” ? Simone de Beauvoir définit la notion de femme de deux façons ici : « ce produit intermédiaire entre le mâle et le castrat » et « la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine ». Il faut bien voir qu’il s’agit là pour elle d’une construction culturelle, variable selon les cultures, que l’on nomme aujourd’hui le « genre ». La notion de femelle renvoie ici au sexe biologique.
  2. De quoi l’expression “destin biologique, psychique, économique” est-il la définition ? Justifier par l’analyse du texte. Dans ce texte, cette expression désigne la nature, ou ce qui est naturel. La nature est entendue là comme ce qui découle nécessairement de l’essence d’une chose. Ce qu’elle affirme, donc, c’est que les rôles sociaux que l’on attribue à la femelle humaine, et qui font qu’on la nomme « femme », ne découlent pas de quelque chose qui serait « l’essence de la femelle humaine ».
  3. Montrez comment l’auteur utilise l’opposition entre nature et culture pour construire son argument ? L’auteur utilise l’opposition entre la nature, au sens de ce qui est biologiquement déterminé, à la culture, au sens de ce qui vient des conventions humaines. Le genre ne relève pas, pour elle, du biologique, mais du culturel.  L’argument peut se décrire ainsi : la figure que revêt la femelle humaine n’est pas déterminé par la biologie. Or ce qui n’est pas déterminé par la biologie est déterminé par la culture, donc le rôle que revêt la femelle humaine est déterminé par la culture. La prémisse qui est présupposée est que « Or ce qui n’est pas déterminé par la biologie est déterminé par la culture ». C’est donc elle qu’il faut regarder de plus près, d’où la question suivante.
  4. Aristote définit la nature ainsi : « un principe immanent de mouvement et de repos », tendu vers une finalité. Ou encore « l’essence comme principe d’activité ». Si l’on observe que la nature humaine est une nature raisonnable, comment peut-on sortir de l’opposition que fait Beauvoir entre ce qui est naturel et ce qui est culturel ? La prémisse présupposée (cf. ci-dessus) suppose de considérer la nature comme un mécanisme biologique nécessaire. Mais si la nature humaine est raisonnable, le libre arbitre intervient. On pourrait donc aussi penser que « la figure que revêt au sein de la société la femelle humaine » (le genre) n’est pas totalement déconnecté de la nature humaine (c’est-à-dire de la raison), puisque la culture est une production de la raison.
  5. Y a-t-il chez la femme quelque chose que l’on ne peut réduire à la culture ? La femme est, au point de départ, la personne dont le corps est féminin. Ce qui est culturel, c’est la manière dont la personne de sexe féminin manifeste le fait qu’elle est de sexe féminin. Mais ce qui semble irréductible à la culture, c’est que, dans la génération, une personne appartient nécessairement à l’un des deux sexes, sauf anomalie rare. On peut parler ici d’anomalie, dans la mesure où la finalité de la nature dans la différence des sexes paraît bien être la génération.

Beauvoir continue : « Seule la médiation d'autrui peut constituer un individu comme un Autre. En tant qu'il existe pour soi, l'enfant ne saurait se saisir comme sexuellement différencié. »

  1. Ici, Simone de Beauvoir parle du féminin comme d’une « altérité ». L’altérité, c’est ce par quoi une chose est « autre » : « Cette table est autre que cette autre table », « la femme est autre que l’homme », « le bleu est autre que le rouge ». En réfléchissant à ces exemples, montrez ce que l’altérité de la femme a de particulier. L’altérité ici est particulière : la femme n’est pas simplement « autre », mais c’est une altérité que l’on pourrait dire « relative » : la notion de féminin se comprend relativement au masculin, et la notion de masculin se comprend par rapport à celle de féminin. Alors que l’on n’a pas besoin de savoir ce qu’est le bleu pour connaître le rouge.
  2. Le féminin peut-il être autre chose que ce « produit intermédiaire entre le mâle et le castrat ? Beauvoir semble définir la femme seulement par le fait qu’elle « n’est pas » un homme. Le féminin n’est pas forcément un « manque » de masculin, il peut être une différence. Il n’y a pas d’une côté les vrais humains (masculins) et de l’autre ceux qui le sont moins (les femmes), mais l’homme et la femme ne sont peut-être pleinement humains que l’un par l’autre. On pourrait dire ceci : Le mâle est celui qui a besoin de la femelle, et la femelle celle qui a besoin du mâle.
  3. Que signifie d’après vous, pour un enfant, « se sentir sexuellement différencié » ? Quel sens cette expression vous semble-t-elle avoir ?

Se sentir sexuellement différencié, c’est peut-être prendre conscience qu’il existe un autre sexe qui n’est pas une humanité supérieure ou inférieure, mais qui est au contraire la condition par laquelle le masculin et le féminin se dépassent vers la plénitude de leur humanité.

Beauvoir poursuit : « Chez les filles et les garçons, le corps est d'abord le rayonnement d'une subjectivité, l'instrument qui effectue la compréhension du monde : c'est à travers les yeux, les mains, non par les parties sexuelles qu'ils appréhendent l'univers. »

  1. Commentez cette phrase : « le corps est d'abord le rayonnement d'une subjectivité ».
  2. Que cherche à dire Beauvoir quand elle écrit : « c'est à travers les yeux, les mains, non par les parties sexuelles qu'ils appréhendent l'univers. » ? Ce que cherche à dire Beauvoir, c’est que le sexe n’est pour rien dans la perception du monde. Mais elle ne parle ici que des organes, les « parties sexuelles ». Elle présuppose que notre personne n’est sexuée que par des parties du corps. Mais on pourrait penser que, si notre corps est le rayonnement de la subjectivité, notre subjectivité est également masculine ou féminine. Ainsi, la différence sexuelle du corps est peut-être le rayonnement de la différence sexuelle de la personne.
  3. Qu’en pensez-vous ?

Le texte de Simone de Beauvoir est très bien construit d'un point de vue logique, puisqu'on y retrouve un syllogisme facile à repérer : On observe un sujet, un prédicat et un moyen terme.

Premier syllogisme : 

Ce qui n'est pas déterminé par un destin biologique n'est pas déterminé par la nature

Or Le rôle de la femelle humaine n'est pas déterminé par un destin biologique

Donc le rôle de la femelle humaine n'est pas déterminé par la nature.

 

Deuxième syllogisme : 

Ce qui n'est pas déterminé par la nature est déterminé par la culture

Or le rôle de la femelle humaine n'est pas déterminé par la nature.

Donc le rôle de la femelle humaine est déterminé par la culture

 

Lorsqu'un syllogisme est bien construit, il est facile d'en apercevoir les présupposés. Ici, le présupposé est que la nature est définie comme un destin biologique.

Il faut donc regarder si cette définition de la nature est la seule pertinente.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents